vendredi 20 juin 2008

Nevermore, Paul Verlaine

Allons, mon pauvre coeur, allons, mon vieux complice,
Redresse et peins à neuf tous tes arcs triomphaux ;
Brûle un encens ranci sur tes autels d'or faux ;
Sème de fleurs les bords béants du précipice ;
Allons, mon pauvre coeur, allons, mon vieux Complice !

Pousse à Dieu ton cantique, ô chantre rajeuni ;
Entonne, orgue enroué, des Te Deum splendides ;
Vieillard prématuré, mets du fard sur tes rides ;
Couvre-toi de tapis mordorés, mur jauni ;
Pousse à Dieu ton cantique, ô chantre rajeuni.

Sonnez, grelots ; sonnez, clochettes ; sonnez, cloches !
Car mon rêve impossible a pris corps, et je l'ai
Entre mes bras pressé : le Bonheur, cet ailé
Voyageur qui de l'Homme évite les approches, -
Sonnez, grelots ; sonnez, clochettes ; sonnez, cloches !

Le Bonheur a marché côte à côte avec moi ;
Mais la fatalité ne connaît point de trêve :
Le ver est dans le fruit, le réveil dans le rêve,
Et le remords est dans l'amour : telle est la loi.
Le Bonheur a marché côte à côte avec moi.

20/04/2011

Demain, dès l'aube - Victor Hugo

Demain dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés par mes pensées.
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit.
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées.
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur.
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.