samedi 11 août 2007

Le huitième jour

Samedi 11 août : ici s'achève mes notes .

A partir de là, c'est-à-dire pour les deux derniers jours, effectivement je fus trop fatiguée en rentrant le soir pour mettre ma journée sur papier...

Un mois plus tard, bien loin de là, je vais essayer de me souvenir de ce que furent ces 2 journées, sans doute les plus difficiles .

Ce dont je me rappelle, c'est d'une certaine appréhension ce matin-là . Etait-ce la fatigue qui s'accumulait, la perspective d'un nouveau parcours du combattant, 50 km pour contourner le Vaccarès, à l'Est cette fois, par la Départementale, signalée dangereuse... puis par la Digue à la mer, un peu le bout du monde, avec obligation d'aller jusqu'aux Saintes pour retrouver le car ? Ou bien mon côté superstitieux, de se dire que tout s'était bien passé jusque là, que cela ne pouvait pas continuer . Et puis, le huitième jour, cela sonne bizarrement ; on ne parle jamais du huitième jour ; c'est comme de commencer une nouvelle semaine sans se reposer et avoir l'impression que ça ne finira jamais ! Oui, la fatigue sans doute ... Et la chaleur maintenant ! Le cuisinier m'avait prévenu en quittant le Prieuré pensant m'annoncer une bonne nouvelle : le Mistral va tomber . Dans un sens, tant mieux, mais cela signifiait aussi, pas d'air ! Et le soleil lui était maintenant bien présent et je savais que je ne trouverais aucun abri sur le parcours du jour .

Ce matin-là donc, j'étais inquiète . Et prudente : je m'arrêtais régulièrement pour boire, sur les bords de l'étang .



A la Capelière, le personnel de la Réserve me renseignait sur la route à prendre pour ne pas rater la Digue, et ne pas me retrouver à Salin-de-Giraud ... Je renonçais à découvrir les sentiers d'observation de la nature, ainsi qu'en passant à Salin-de badon : il était préférable de concentrer ses forces sur mon objectif, arriver aux Saintes .

Tant bien que mal, j'arrivais à la Digue vers 11 h .


La Digue a été construite en 1859 pour limiter les crues du Rhône et les inondations du Delta . L'accès est possible pour les voitures jusqu'au Phare de la Gacholle . Mais vu l'état de la route, elles sont peu nombreuses à s'aventurer par là et c'est tant mieux pour les quelques cyclistes et randonneurs . Comme sur le Canal du Rhône, on se retrouve seul sur un chemin de terre avec de l'eau tout autour : les marais de part et d'autre, et au loin, la mer ! On retrouve les flamants roses et les hérons, ainsi que dans les zones asséchées, la flore typique de Camargue, la sansouïre, c'est-à-dire surtout des buissons de salicorne qui se développent grâce au sel marin .
Dans ces endroits, la route commence à ressembler à une traversée du désert et je suis contente d'arriver au phare où des tables de pique-nique permettent de déjeuner à l'ombre .


Pour la suite de la ballade, je décide de rejoindre la plage . Je me rends vite compte que le vélo s'enfonce dans le sable, à moins d'être au plus près de l'eau, sur la partie légèrement humide . Il n'y a pas un chat : ce doit être à peu près le seul coin de plage désert de toute la Côte d'Azur, en ce mois d'Août ! J'en profites pour tremper mes pieds, en poussant le vélo en direction des Saintes que j'aperçois au loin . Cette ambiance m'inspire : je pousse la chansonnette en reprenant le répertoire de Voulzy et des Beatles ! Les mouettes ne semblent pas vraiment s'en émouvoir .

Je remonte sur le vélo, mais renonce bientôt à rouler sur la plage et rejoins la Digue . Retour à la civilisation . Sur le côté, toujours les marais : les flamants roses avancent en groupe et sont assez dissipés ( impressionnant quand ils se donnent des coups de becs dans les plumes pour que celui de devant avance plus vite ! ) . Puis, j'assiste à la pêche, d'abord des sternes qui se stabilisent en vol 5 à 6 m au-dessus de l'eau pour repairer leur proie avant de plonger soudainement et brièvement ; puis d'un héron qui utilise le même principe mais les pieds dans l'eau en faisant preuve d'une grande patience . Très instructif !

Vers 14 h, j'arrive aux Saintes . J'avoue que je suis un peu blasée de retrouver la foule... Le car part dans plus d'une heure . En attendant, je fais ma correspondance . Je me prends la tête avec le libraire qui ne veut pas que je rentre avec le vélo et ne daigne pas non plus encaisser à la porte . Quand je lui dis que je n'ai qu'un billet de 10, il me vire franchement ! Tant pis, il fait très chaud, l'idéal pour se payer une glace à l'ombre de l'église, et en profiter pour faire de la monnaie ( l'excuse !) . Je retourne au libraire, non pas que je ne sois pas rancunière, mais ces cartes étaient vraiment bien . On se salue courtoisement, puis j'essaie de m'isoler sur un banc pour écrire . Raté, une bande de jeun's débarque, et trouve le moyen de déséquilibrer mon vélo . Je m'emporte pour le principe et m'éloigne à la recherche d'un autre banc . Là, c'est un monsieur qui vient me fumer à la figure ! Restons zen... Je suis à deux doigts de penser que je serais mieux sur un île déserte . Mais le troisème banc est le bon, je termine mes cartes avant de rejoindre l'arrêt du bus . Là, je me réconcilie avec l'humanité en faisant la connaissance d'une dame d'une soixante d'années qui attend aussi le bus . Je connais ce petit accent, il n'est pas d'ici ; effectivement, elle habite St-Rémy-de-Provence mais est originaire de Tarbes . Cela semble lui faire chaud au coeur quand je lui dis que ma famille est de Pau ; on parle des Pyrénées . A l'arrivée du car, je peux mettre le vélo dans la soute, du bon côté cette fois ! On poursuit la conversation sur le trajet du retour, parlant notament du temps magnifique qu'il fait, que le ciel devrait être dégagé pour la Nuit des étoiles ce soir . Comme la veille, je salue ma voisine avant de descendre au Mas du Pont de Rousty pour rejoindre le Bouchaud à travers les rizières . Comme prévu, le Mistral s'est nettement calmé et j'arrive bientôt au Prieuré .

A la nuit, je sors dans le cloître pour regarder les étoiles, non sans m'être imprégnée d'anti-moustique . Pas beaucoup d'étoiles filantes pour une nuit d'Août . J'en vois une juste avant de rentrer . Cela dit, je crois que je n'avais pas de voeu à faire : mon séjour s'achevait, tout s'était passé au mieux ! Je souhaitais simplement arriver tranquillement à Hyères le lendemain, ce qui ne serait qu'une formalité en regard de ce que je venais de traverser .