vendredi 10 août 2007

Le septième jour... la Camargue

Y avait pas 36 000 solutions : pour voir le maximum de choses en seulement deux jours, en étant hébergé au Nord de la Camargue, il allait falloir s'avaler des kilomètres... Bien sûr, il aurait été plus simple de passer la deuxième nuit aux Saintes-Maries-de-la-mer, pour couper le parcours en 2 . Mais là-bas, l'hôtel, c'est pas donné, et les chambres d'hôtes, n'en parlons pas . Quant à l'idée d'une nuit à la belle étoile sur la plage, qui m'a un temps effleuré l'esprit, rassures-toi Maman, c'était hors de question ( pour tout dire, a déjà fait du côté de Marseille... dévorée par les moustiques et très mal dormi, une catastrophe...) . A tel point que je laissais au Bouchaud le duvet, les lampes et le gilet de sécurité ( juste pris la couverture de survie), avec consigne impérative de rentrer avant la nuit .

Pour cela, le plan était de partir tôt, de rouler surtout le matin pour éviter la chaleur, d'atteindre les Saintes, à environ 35 km de là ; ensuite, j'aviserai . Selon l'heure et l'état de fraîcheur, excursion plus ou moins longue des Saintes vers la Digue à la mer ou vers le Petit Rhône . Dans tous les cas, le retour se ferait en autocar ( à condition de ne pas le rater... un toutes les 2 h, et dernier retour vers 19 h ), vélo dans la soute . Programme d'autant plus judicieux que je compris bientôt que le Mistral, dans mon dos à l'aller, se levait au cours de la journée et m'aurait donner du mal pour le retour à vélo...

35 km... encore fallait-il les faire... et dire que j'ai cru réussir à tout faire d'une traite, sans même un ravitaillement, avec seulement un peu de sucre dans le bidon... Erreur de débutant ! Certes, le petit-déjeuner au Prieuré fut copieux ; peut-être comme je me sentais bien, ai-je voulu faire des économies sur les 2 barres de céréales qu'il me restait . Mais tout de même, "oublier" la collation de 10h...

Jusque là, la journée était très agréable . Sur le chemin communal de Sainte-Cécile, la fraîcheur matinale était encore présente . Tandis que la route passait au milieu des étangs, je m'arrêtais régulièrement pour observer les hérons et les aigrettes aux jumelles, et par la même occasion, vérifier mes pneus (pas rassurée par la mésaventure de la veille ), mettre de l'anti-moustiques et de la crème solaire . Je croisais un jogger, visiblement un riverain, qui me demanda si j'avais vu les bihoreaux . "Des bihoreaux, où ça ?" ( qu'est-ce que c'est encore que ça, des bihoreaux ?! c'était pas dans mon bouquin...) " Oh! ces petits points noirs sur l'eau que j'ai pris pour des piquets... " Niveau observation, c'est pas encore gagné.

J'en profitais pour lui demander confirmation du chemin pour rejoindre la Draille de Cacharel ( chemin qui longe l'étang de Vaccarès par l'ouest pour rejoindre les Saintes-Maries de la Mer).

Au domaine de Méjanes, on tourne à droite ; la route est à l'ombre, plus pour longtemps malheureusement...

C'est alors que je me prends pour Cary Grant dans La Mort aux trousses, une sorte de remake de la scène dans les champs où il est poursuivi par un avion . Sauf que moi, c'est un petit hélicoptère qui n'a en fait rien après moi, mais qui doit simplement pulvériser les plantations d'anti-moustiques ! Tout de même très impressionnant . Je crois que le soleil commence à me taper sur la tête . Ou alors, les premiers signes de fringale .

Je suis enfin sur les bords du Vaccarès . Superbe !


Faut que je fasse pipi . Bon, ben, on va pas faire de manière, ça fait une éternité que je n'ai vu âme qui vive... Tiens, justement, un jogger ; celui-ci a dû s'égarer... on laisse passer .
En me relevant, petit étourdissement . 10 h 35, pas de doute, c'est la fringale... Pas de panique, je ne sais pas vraiment où je suis ; a priori, aucune habitation à moins de 10 kilomètres. On va peut-être grignoter quelque chose ( heureusement, j'ai toujours un morceau de sucre sur moi ) et se poser 5 mn . Bon, disons 10 mn . Ok, 30, ça fera l'affaire .

Je commence un peu à retrouver mes esprits . Mieux vaut reprendre la route et arriver au plus vite aux Saintes, et faire un vrai repas !

La suite est particulièrement désagréable, la draille est très caillouteuse, ça saute tout le temps...

11h55 : entrée dans la ville . Là par contre, c'est foule ! Quel contraste !

Le problème avec les fringales, quand on les laisse venir, c'est qu'après, on a plus qu'une envie : manger des trucs bien caloriques ! Au radar, je me retrouve dans une supérette, rayon biscuits et barres de chocolat . Le tout avec une barquette de taboulé, un yaourt( non, plutôt un liégeois ) et un fruit ( ça faisait longtemps ) que je pars manger sur une aire de pique-nique près d'un étang, loin de la foule . Dans un éclair de lucidité, je pense aussi à me ravitailler en piles pour l'appareil photo .

Après avoir tout ingurgité, ça va beaucoup mieux . Je ne me sens quand même pas de prendre le chemin de la Digue à la mer aujourd'hui ( 28 km avec le retour aux Saintes pour prendre le car, pas très raisonnable ) . Par contre, j'irais bien visiter le Parc ornithologique au Pont de Gau, histoire de combler mes lacunes en connaissance de la faune camargaise. Le car passe par là, je pourrais facilement rentrer au Bouchaud ensuite .

Cela dit, pas si simple d'aller à Pont de Gau parce qu'on retourne vers le Nord ; je retrouve donc ce bon vieux Mistral de face ! En plus, sur cette portion, la départementale n'est pas très large et toujours aussi fréquentée .


Un petit détour par la Croix de Camargue, puis par la tombe du marquis de Baroncelli ( enchantée ), et enfin, par le Bac du Sauvage, qui permet aux voitures de traverser le Petit Rhône pour aller à Aigues-Mortes ( je ne le prends pas cette fois, mais l'année prochaine...).
Au Mas d'Icard, je bifurque pour revenir vers Pont de Gau . Petit coucou aux chevaux, pas farouches .

A l'entrée du Parc ornithologique, petit malentendu avec le caissier qui m'explique que les sentiers d'observation ne peuvent se faire à vélo, et que l'accès est payant contrairement à ce qui est écrit dans le bouquin . En fait, il y a semble-t-il quelque conflit d'intérêt entre le Parc, la Maison de la Camargue et autre Réserve Naturelle, qui se partagent un peu le même "territoire"... Bref, il me précise qu'il y a un parking vélo à l'intérieur, ce qui finit par me décider . J'ai 2 heures avant le passage du car ; au pire, je ne ferais pas la visite en entier...

Et effectivement, on peut de pas faire le tour du Parc . Il y a en fait deux parties : la première, autour de 3 petits bassins, ressemble à un zoo, avec les différentes espèces de canards (dont la très élégante nette rousse), de hérons et des flamants roses, visibles de près, guidé par les panneaux d'informations . Autour de ces étangs, des volières où se cachent hibou moyen-duc, hulotte, cigogne blanche, milan noir, vautour percnoptère et autre faucon hobereau ( pour en savoir plus, http://www.oiseaux.net/ ) . Dans un enclos, on trouve même des sangliers .


La deuxième partie est plus sauvage . Le sentier fait le tour d'un étang, à travers la flore camargaise : salicorne, saladelle et tamaris ; au milieu, on accède à une cabane d'observation . Après 15 mn, sans bruit, on finit par voir apparaître un héron au loin . Milieu d'après-midi, ce n'est sans doute pas le meilleur horaire pour observer ; les oiseaux aussi font la sieste à l'ombre quand il fait trop chaud .

Je m'en retourne prendre le car, qui passe juste devant le Parc . A l'arrêt, je retrouve un visiteur du Parc croisé un peu plus tôt . Lui aussi est à vélo . On discute . Il est italien, est parti de Turin la semaine dernière, est passé par les Alpes, la Provence et dort actuellement au camping d'Arles où il a laissé sa "remorque" pour visiter la Camargue . Il ne sait pas encore très bien la suite de son itinéraire mais voudrait aller jusqu'à l'Atlantique, vers Bayonne ! Il dit qu'il a tout son temps . Je lui parle du Canal du Rhône à Sète qu'il peut rejoindre de Arles à St-Gilles, puis jusqu'à Sète ; après, le Canal du Midi et celui de la Garonne, jusqu'à Bordeaux ; en comptant une bonne semaine . Il ne connaissait pas et paraît ravi de cette perspective !

Le car arrive, il met son vélo dans la soute côté trottoir, moi le mien côté route . Je descends au Mas du Pont de Rousty, à 15 km de là, d'où j'espère pouvoir couper par les champs vers le Bouchaud sans remonter trop au Nord par la Départementale . La sortie du vélo du car est assez sport, car je suis carrément sur la route avec des voitures à environ 100 km/h dans les 2 sens ! J'essaie de me signaler pour qu'elles ralentissent le temps que j'ouvre la soute . Première porte : mince, c'est pas celle-là... Le chauffeur du car vient à ma rescousse ! Ouf, je me remet vite sur le côté. Très mauvais plan quand même .

Le car repart ; salut échangé avec mon collègue italien .

En regroupant mes dernières forces, j'arrive à rejoindre le Bouchaud en coupant par les marais et les rizières .


Les deux derniers kilomètres se font au ralenti car effectivement, le Mistral souffle vraiment fort le soir et là, je vais plein Nord...

19 h, la cloche sonne l'heure du repas au Prieuré, à l'instant où j'arrive, épuisée . Dire que je remets ça demain...