Into the wild, Jon Krakauer
Avant de s'aventurer en Alaska, Alexander Supertramp écrit à son ami Ron :
"Je pense que tu devrais changer radicalement ton style de vie et te mettre à faire courageusement des choses que tu n'aurais jamais pensé faire ou que tu as trop hésité à essayer.
Il y a tant de gens qui ne sont pas heureux et qui, pourtant, ne prendront pas l'initiative de changer leur situation parce qu'ils sont conditionnés à vivre dans la sécurité, le conformisme et le conservatisme, toutes choses qui semblent apporter la paix de l'esprit, mais rien n'est plus nuisible à l'esprit aventureux d'un homme qu'un avenir assuré.
Le noyau central de l'esprit vivant d'un homme, c'est sa passion pour l'aventure. La joie de vivre vient de nos expériences nouvelles et donc, il n'y a pas de plus grande joie qu'un horizon éternellement changeant, qu'un soleil chaque jour nouveau et différent.
Si tu veux obtenir plus de la vie, Ron, il faut perdre ton inclination à la sécurité monotone et adopter un mode de vie désordonné qui dans un premier temps te paraîtra insensé. Mais une fois que tu te seras habitué à une telle vie, tu verras sa véritable signification et son incroyable beauté."
L'insoutenable légèreté de l'être, Milan Kundera
Prague dans les années 60 . Tomas, la quarantaine, adepte du libertinage depuis son divorce, vient de rencontrer Tereza, jeune serveuse arrivant de province, et s'interroge sur la nature de ses sentiments.
"Il regardait les murs sales de la cour et comprenait qu'il ne savait pas si c'était de l'hystérie ou de l'amour."
"Il s'accablait de reproches, mais il finit par se dire que c'était au fond bien normal qu'il ne sût pas ce qu'il voulait : L'homme ne peut jamais savoir ce qu'il faut vouloir car il n'a qu'une vie et il ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures.
Vaut-il mieux être avec Tereza ou rester seul ?
Il n'existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne car il n'existe aucune comparaison. Tout est vécu tout de suite pour la première fois et sans préparation. Comme si un acteur entrait en scène sans avoir jamais répété. Mais que peut valoir la vie si la première répétition de la vie est déjà la vie même?""Ne pouvoir vivre qu'une vie, c'est comme ne pas vivre du tout."
Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958
Première partie de l'autobiographie de Simone de Beauvoir, née en 1908. Elle narre sa vie en temps réel mais avec ses commentaires d'adulte. Le récit débute à ses premiers souvenirs, vers 4, 5 ans. Elle retrace ses plus jeunes années à travers un album photo. Elle vit à Paris, Boulevard Raspail, avec ses parents et sa soeur de 2 ans sa cadette.
Très vite, elle prend conscience d'un avenir qui la "changerait en une autre qui dirait moi et ne serait plus moi".
Enfant, elle est gaie, curieuse, cherchant à se faire remarquer des adultes. Son caractère l'entraîne dans des "rages" contre ce qu'elle juge injuste, inconsistant, arbitraire (les ordres de ses parents par exemple).
"M'accrochant au sol, gigotante, j'opposais mon poids de chair à l'aérienne puissance qui me tyrannisait."
Elle sépare le monde en Bien et Mal avant de voir que les êtres qui lui sont chers ont des défauts, se disputent et mentent aussi. Elle pressent qu'il existe des "grisailles" entre le blanc et le noir sans savoir encore les exprimer.
Son père est un personnage cultivé, démonstratif, volubile, qu'elle tente d'intéresser avant de comprendre plus tard sa misogynie.
A cinq et demi, elle entre à l'école avec joie, pour assouvir sa curiosité. Sa vie à Paris, les vacances dans le Limousin, puis vient la guerre. D'abord transportée par un élan de patriotisme, elle prend conscience que les ennemis sont aussi des êtres humains.
En grandissant, elle se sent devenir plus docile, tentant d'être à l'image de ses parents et de ne pas les décevoir.
L'écrivain décrit subtilement la découverte vers 7, 8 ans du corps, du plaisir physique, sans oser poser de questions à sa mère, de peur d'être "ridicule". D'autant que celle-ci lui a donnée une éducation pieuse, dans laquelle s'investit pleinement la jeune fille. A cet âge, elle ne doute pas : "j'envisageais la vie comme une aventure heureuse ; contre la mort, la foi me défendait."
Néanmoins, le fait que son père soit profane l'incite à distinguer le spirituel et l'intellectuel, et à émettre une réserve sur la religion. Si "Dieu lui promet l'éternité", elle prend conscience qu'elle n'a pas toujours existé mais s'invente des histoires " niant vainement le scandaleux divorce de (sa) conscience et du temps". Avant d'ajouter : " Je pressentais la vérité, fallacieusement conjurée, de ma mort".
Elle se réfugie alors dans les livres écrits par les adultes. Si ces livres sont généralement emprunts de manichéisme, elle est choquée par lorsqu'un personnage attachant trouve une mort injuste. " L'affreuse mort de Bob contredisait toutes les règles, n'importe quoi pouvait arriver."
Elle n'envisage pas d'avoir de mari, qu'elle verrait comme une contrainte, la frustrant de ses responsabilités, de même que la servitude d'avoir des enfants.
Elle est fière, voire orgueilleuse. "J'avais tendance à me considérer comme 'l'Unique' ", " je voulais qu'on jouait sérieusement... l'habituelle futilité de mes partenaires m'impatientait." " Je suppose qu'en retour, je dus souvent les excéder".
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